L’ITALIA VERSO LA QUALE TUTTA L’EUROPA – E NON SOLO – HA QUALCHE MOTIVO DI RICONOSCENZA
Editoriale della Revue de droit du travail, novembre 2009
Il est une des grandes figures du droit du travail du XXe siècle. Il est mort, au début du mois d’octobre, à Rome. Il avait quatre-vingt-deux ans. Il était d’abord un professeur, d’une rare élégance d’expression, dont chacun guettait les leçons souvent fulgurantes, toujours subtiles. Avoir été son étudiant à Bari ou, ensuite, à Rome reste une source de fierté. Il fut très tôt remarqué pour sa théorie de « l’ordre intersyndical », cet ordre juridique qui se déploie à distance de l’État sous l’impulsion des protagonistes sociaux, mais dont l’État admet ensuite, en principe, la relevance.
Homme de science, directeur d’une grande revue, intellectuel raffiné, il fut aussi un réformateur actif en ces périodes où l’Italie constituait un laboratoire dont tout curieux goûtait, avec appétit, les expériences. Si l’Italie fut un des moteurs de la construction européenne, un pays d’invention et de progrès, elle le doit à Gino Giugni et ses semblables. Pour les Italiens, il a rang de «père du statut des travailleurs», paternité qu’il contestait avec ironie tout en étant convaincu qu’elle résisterait à tous les tests. Ce statut, adopté en 1970, texte concis aux antipodes de notre Code boursouflé, remarquable e fermeté dans ses principes, mais aussi de flexibilité de mise en oeuvre, est plus qu’un repère. Il a constitué un modèle étudié aux quatre coins du monde.
Gino Giugni fut ensuite président de la Commission du travail du Sénat, ministre du Travail et de la Sécurité sociale, président de l’Autorité chargée de veiller à la conciliation du droit de grève et des autres droits fondamentaux dans les services publics, toutes responsabilités où ses qualités de médiateur firent merveille. Car, homme de conviction, pourfendeur de toutes les vulgarités, il était un vrai maître, un chef d’orchestre, capable de créer une syntonie dans le concert des discordes.
Il était, il est vrai, un citoyen du monde, chez lui à Los Angeles où il travailla, à Buenos Aires, où il fit maintes conférences où à Nanterre où il enseigna et qui le fit docteur d’honneur. Mais son goût et son agilité comparatiste, il sut les faire partager avant que la comparaison des systèmes sociaux ne devienne une nécessité. Président de l’Association italienne de droit du travail et de la sécurité sociale, il créa, il y a près de trente ans, le majestueux séminaire doctoral de droit comparé du travail, où tant de futurs professeurs européens, qui de Cambridge, qui de Madrid, qui de Lyon, furent accueillis. Auparavant, il avait contribué aux premiers grands travaux de droit comparé du travail. Tous nous lui devons quelque chose, une idée, une inspiration, un espoir, même sans le savoir. Et puis il avait ce charme que les mots, même amicaux, même attendris, ne sauraient traduire…
Antoine Lyon-Caen
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